Dernière mise à jour: 11 mai 2020
La Roumanie s'apprête à entrer dans une nouvelle phase de gestion de la crise générée par l'épidémie de Covid-19, à savoir, redémarrer l'activité économique dans des conditions de santé et de sécurité au travail accrues pour les salariés, compte tenu du passage à partir du 15 mai de « l'état d’urgence » à un « état d'alerte ».
Dans cette nouvelle réalité, le besoin de distanciation physique au travail prévaut, l'employeur étant donc tenu d’adopter une nouvelle stratégie d'action, qui cible non seulement les salariés, mais également la gestion de la relation avec les fournisseurs / clients / prestataires de services, en accord avec les dispositions de la loi no. 319/2006 sur la sécurité et la santé au travail, les recommandations des autorités publiques nationales, mais aussi de la Commission européenne.
Conformément aux principes généraux de prévention en matière de sécurité et de santé au travail, les plans nécessaires qu’il faut mettre en œuvre dans chaque entreprise doivent conduire, par ordre de priorité :(1) à éviter le risque d'exposition au virus et donc de tomber malade, (2) à une évaluation des risques qui ne peuvent être éliminés ; (3) à la mise en place des mesures de protection.
Cet effort de réorganisation du processus interne et de réajustement des plans d'actions s'accompagne bien entendu d'un surcoût immédiat pour l'employeur. Cependant, le fait de ne pas adapter les conditions de travail à la réalité dans laquelle nous vivons, risque de générer des coûts à long terme encore plus élevés pour l'employeur, tels qu’une sanction contraventionnelle, voire même un délit ou engager sa responsabilité matérielle, voire dans certains cas aboutir à la fermeture pure et simple de l'entreprise.
Les choix qui seront faits par les chefs d’entreprises dans l’immédiat sont donc des facteurs déterminants pour l'avenir du business.
Dans ce processus, en vue de respecter les dispositions légales en matière de santé et de sécurité au travail, il nous semble que les entreprises devraient prendre les cinq mesures suivantes.
1. Observation des principes généraux de prévention
L'employeur est tenu, conformément à la loi, d'assurer la santé et la sécurité au travail de ses employés. Afin de remplir ces obligations, il fait appel à des travailleurs formés en interne ou à des spécialistes et services externes, sans pour autant être exonéré de sa responsabilité. La loi oblige également l'employeur à effectuer et, implicitement, à mettre à jour l'évaluation des risques au sein de l'entreprise et à mettre à jour le Plan de prévention et de protection (qui regroupe les mesures techniques, sanitaires, organisationnelles et autres), chaque fois que les circonstances de travail changent.
La crise sanitaire générée par le Covid-19 est une telle circonstance. Lors de l'élaboration de la stratégie et de ce Plan de prévention et de protection, l'employeur doit tenir compte des principes généraux de prévention comme suit : a) éviter les risques; b) évaluer les risques qui ne peuvent être évités ; c) combattre les risques à la source ; d) adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la l’environnement de travail et le choix des équipements et des méthodes / processus de travail ; e) planifier la prévention ; f) consulter, informer et éduquer les employés pour la bonne utilisation des équipements de protection et afin qu’ils s’approprient les nouvelles procédures de travail et g) appliquer correctement les procédures. La collaboration et le soutien des employés sont déterminants pour le succès de toute action.
2. Réévaluation des risques et aménagement des espaces de travail
Toute approche commence par l’évaluer ou réévaluation des risques pour la santé et la sécurité des employés. Cela signifie, d'une part, qu’il faudra répertorier toutes les situations dans lesquelles les employés peuvent être exposés au risque de contamination par Covid-19, de l'entrée à la sortie des lieux de travail, y compris en termes de risques psychosociaux, et d'autre part, qu’il faudra adopter des mesures pour éliminer / limiter chaque risque identifié. Au cas par cas et selon les spécificités de chaque activité, les mesures seront différentes mais, dans de nombreux cas, elles pourront être: le télétravail / le travail à domicile, le travail en alternance, des horaires de travail flexibles, des distance entre les postes de travail, pour assurer une densité raisonnable des personnes dans les bureaux, mais aussi dans les espaces communs (la recommandation générale est qu'un employé ait un minimum de 4 mètres carrés, soit au moins un mètre autour de lui par rapport à une autre personne).
Dans la gestion des flux de l'entreprise, il faut prendre en compte les flux générés par la circulation / interaction avec les fournisseurs, clients ou prestataires de services, depuis leur arrivée jusqu’à leur départ de l'entreprise.
3. La Consultation, l’information et la formation des employés
Il est bon, non seulement d'un point de vue juridique, que les représentants des salariés soient cooptés dans le processus d'identification et d'adoption de mesures de lutte / prévention des risques. Toute action dans ce sens doit tenir compte des intérêts des salariés.
Les représentants des salariés, les responsables de la santé et de la sécurité au travail, et pas seulement le médecin du travail, sont les mieux placés pour aider à identifier les zones potentielles de contamination. De plus, les représentants des salariés ont un rôle clé à jouer dans la diffusion d'informations à leurs collègues et l'obtention d'un consensus.
Dans le cas des entreprises de plus de 50 salariés, qui ont l'obligation légale d'avoir un Comité de santé et de sécurité au travail, des mesures de protection doivent être prises après qu’elles aient été discutées dans cette structure.
Il faut également respecter les mécanismes de consultation établis par les conventions collectives.
Dans le cadre du processus d'information, plusieurs actions sont nécessaires: la transmission par voie électronique (si possible) et / ou l'affichage dans des espaces accessibles de toutes les règles à respecter au travail / mesures d'hygiène, la fourniture régulière d'informations sur les risques liés à la contamination au Covid-19, l'organisation de formations liées à l'utilisation de certains moyens de protection (utilisation des masques, manipulation sécurisée des colis / correspondance, etc.) ou de nouveaux processus de travail. Rien n'est trop pour protéger la santé et la sécurité des salariés, et la conduite de campagnes d'information publique n’est pas suffisante pour l’employer pour qu’il puisse faire la preuve d’avoir rempli son obligation d’information / formation des employés.
4. Plan de réponse à l'infection Covid-19
Tous les processus conçus pour protéger la santé et la sécurité au travail doivent être officialisés. L'employeur doit prendre des mesures générales et particulières. Une attention particulière doit être portée à la protection des salariés à haut risque. À leur tour, les personnes présentant des signes cliniques légers associés au Covid-19 (toux, fièvre, détresse respiratoire) devraient être encouragées à travailler à domicile, et si les symptômes se manifestant sur les lieux de travail sont graves, l'employeur doit prévoir une procédure de suivi ad hoc. De prise en charge du patient par les institutions médicales spécialisées, ainsi que l'assainissement de l'espace concerné, ainsi que d'autres mesures de protection possibles pour les employés. La procédure comprendra également l'information des personnes qui pourraient avoir été en contact avec la personne malade, s'il est confirmé qu'elle est infectée par le Covid-19. La direction de la santé publique doit être informée et procédera à une enquête épidémiologique.
5. Fourniture d'équipements de protection
L'employeur a l'obligation de fournir à ses employés l'équipement de protection approprié pour l'activité. Dans le cas spécifique de l'épidémie de Covid-19, il devrait s'agir au moins du matériel signalé depuis le début de la crise comme recommandation ou obligation (masques de protection, gants, visières, désinfectant, eau, savon, etc.).
De plus, les entreprises, dans le cadre des mesures générales de protection, peuvent organiser un contrôle de la température corporelle des personnes à l'entrée de l'organisation. Ces mesures peuvent faire l'objet d'une procédure (qui devra être incluse dans le règlement intérieur). La procédure doit être conforme aux dispositions du Code du travail, être proportionnelle à l'objectif poursuivi et apporter des garanties, tant en termes d'information préalable des salariés, qu'en termes d'absence de conséquences; les données ainsi recueillies ne seront pas archivées.
Il convient également de garder à l'esprit qu’actuellement la possibilité de contrôler la température des salariés à leur arrivée au travail fait l'objet de controverses au niveau des pays de l'UE en matière de traitement des données à caractère personnel, et que les discussions sur ce sujet, sont encore loin d’être finalisées.
Dans le cadre de leurs démarches pour se conformer aux règles de santé et de sécurité au travail, les entreprises ne sont pas seules. Elles peuvent faire appel à l'aide de spécialistes et de consultants pour les guider dans les actions d'audit de leurs activités et dans l'élaboration des stratégies à suivre. Bien entendu, une aide importante pour les entreprises peut consister à se faire représenter dans les relations avec les organes compétents de l'Inspection du Travail (ITM) ou l'offre de conseil en cas d'accident du travail.
Nous avons constaté souvent, de l'expérience des nombreux dossiers confiés par les clients aux avocats du Cabinet GRUIA DUFAUT, que les obligations en matière de sécurité et de santé au travail ont tendance à être traitées comme de simples formalités, les opérateurs économiques se limitant à signer des fiches de formation. Cependant, lorsqu'un événement indésirable se produit, de nombreux managers deviennent conscients du fait que les risques sont énormes pour l'entreprise et pour l'individu.
La crise sanitaire actuelle nous a obligés, en deux mois seulement, à repenser les processus de travail dans les organisations, à trouver des solutions pour rendre le travail plus flexible, en permettant plus de télétravail ou en organisant le travail par équipes, même dans les conditions d'un Code du travail rigide comme c’est le cas en Roumanie.
Et dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail (SST), cette crise est l'occasion de prendre conscience de l'importance des personnes dans la société, de l'importance de se concentrer sur leur sécurité et donc de l'utilité d'intégrer la SST dans les processus généraux de management de l'entreprise.
Dana GRUIA DUFAUT, Avocat Fondateur du Cabinet d’Avocats GRUIA DUFAUT
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