Dernière mise à jour: 9 janvier 2023
Si l’introduction de critères verts dans le cadre des marchés publics n’a rien de nouveau, le sujet revient actuellement sur le devant de la scène à l’occasion des débats suscités par le Pacte vert pour l’UE et dans le contexte de préoccupations en matière de durabilité, d’indépendance énergétique et de compétitivité.
Les marchés publics durables (Green Public Procurement ou GPP) ont été définis par la Commission européenne dans son rapport « Marchés publics pour un environnement meilleur » (2008), comme « un processus de passation de marchés dans le cadre duquel les pouvoirs publics cherchent à obtenir des biens, des services et des travaux dont l'incidence sur l'environnement sur tout leur durée de vie sera moindre que dans le cas de biens, services et travaux à vocation identique mais ayant fait l'objet de procédure de passation de marchés différentes ».
En raison des sommes considérables engagées dans les grands projets publics et de l'énorme marché que constituent les achats publics, l'introduction de critères répondant aux défis environnementaux, économiques et sociétaux peut influencer de manière significative le comportement des acteurs du marché, tant publics que privés.
En Roumanie, la notion de marchés publics durables a été introduite par la Loi n° 69/2016 sur la protection de l’environnement, du développement durable, de la consommation et de la production responsables. La loi reprend les dispositions de la Directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics et celles de la Directive 2014/25/UE relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux.
En 2018, l’Ordre n° 1068/1658/2018 portant approbation du Guide des marchés publics durables a introduit des exigences minimales en matière environnementale pour certaines catégories de produits et services prévus dans les documentations d'appel d'offres (par exemple, le papier d’imprimante, le mobilier intérieur, les véhicules ou le matériel informatique).
En 2019, en tant que membre de l’UE, la Roumanie a adopté le Pacte vert européen qui, sur fond de crise climatique et de menace de la biodiversité, réaffirme la nécessité de soumettre les marchés publics à des critères minimaux obligatoires, afin de privilégier les produits respectueux de l’environnement.
Fin 2021, le Plan d’action en faveur de l’économie sociale, élaboré par la Commission européenne, a souligné le rôle majeur que joue la commande publique responsable d’un point de vue social et environnemental.
Si la mise en place d'un cadre favorable à l'économie sociale permet de créer des opportunités de croissance et de favoriser le marché du travail, les marchés publics durables contribuent à réduire les émissions de CO2 et la pollution des sols et de l’eau, ainsi qu’à améliorer l'efficacité énergétique et la qualité de l'air.
Comment passer des marchés publics aux marchés publics durables ?
En premier lieu, la législation des marchés publics prévoit pour les pouvoirs adjudicateurs l’obligation de prendre en considération les dimensions environnementales et sociales1 de leurs achats, lorsque la nature de ceux-ci le permet.
En second lieu, l’Ordre commun du ministre de l’Environnement et de l’Agence nationale des marchés publics (ANAP) n° 1068/1652/2018 établit des exigences minimales en matière de protection de l'environnement pour certaines catégories de produits et de services lors de l'élaboration des cahiers des charges.
Cependant, les statistiques montrent que l’introduction par les pouvoirs adjudicateurs des exigences écologiques dans leur documentation n’a conduit qu’à une faible amélioration des performances environnementales, de sorte que des mesures plus importantes sont attendues de la part des entités publiques quant à leur degré d’exigence.
A cet égard, une première mesure à la disposition des pouvoirs adjudicateurs est de choisir comme critère d'attribution celui du « meilleur rapport qualité/prix » ou celui du « meilleure rentabilité2 » , au lieu du critère du « prix le plus bas » actuellement prédominant dans les marchés publics en Roumanie.
Soit dit en passant, sur la période 2017-2019, le pourcentage de marchés publics attribués en Roumanie sur la base du critère du « prix le plus bas » est passé de 92% à 80%... mais le résultat est loin d'être satisfaisant, selon les données centralisées par l'ANAP.
Un autre moyen d'accroître la transparence, et donc de satisfaire aux enjeux écologiques, concerne le choix de la procédure d'attribution et consiste à abandonner autant que possible la procédure de marchés négociés sans appel d'offres.
Enfin, une mesure rapide pour stimuler les marchés publics durables passe par l’utilisation accrue du système de passation centralisée des marchés (introduit dans la législation nationale en 2018, mais n’étant devenu opérationnel qu’en 2019, avec l'entrée en vigueur de la Décision du gouvernement n° 119/2019 approuvant les règles méthodologiques pour la mise en œuvre de l'OUG n° 46/2018), qui conduirait à une augmentation de la part des marchés publics qui prennent en compte les aspects environnementaux et de durabilité, les accords-cadres verts et donc à l'utilisation généralisée de critères écologiques.
En conclusion, les marchés publics durables sont fortement conditionnés par l'attitude et la pratique des institutions publiques. Une réelle amélioration dans ce domaine ne peut avoir lieu que si les contraintes actuelles - liées à la culture organisationnelle des institutions publiques, à la connaissance insuffisante des dispositions législatives et à la mauvaise connaissance des concepts d'achats sociaux et environnementaux, d'impact social et de valeur ajoutée sociale - sont surmontées.
Notes
- En Roumanie, la Loi n° 98/2016, qui transpose la Directive 2014/24/UE, fixe le cadre des marchés publics et introduit entre autres les marchés réservés (art. 56) et l'utilisation de clauses sociales et environnementales. La Directive 2014/25/UE, relative aux marchés publics sectoriels, est, elle, transposée par la Loi n° 99/2016. Les clauses sociales et environnementales peuvent être utilisées dans toutes les procédures de marchés publics.
- Avec l’utilisation de facteurs qui peuvent viser les caractéristiques sociales et environnementales, comme le prévoit l'article 187 de la Loi n° 98/2016. En outre, l'article 51 de la même loi, qui transpose l'article 18 par. 2 de la Directive 2014/24/UE, indique que le pouvoir adjudicateur est tenu d'exiger des opérateurs économiques qu'ils indiquent dans leur offre qu'ils ont pris en compte les obligations environnementales, sociales et en matière de relations de travail pertinentes lors de l'élaboration de l'offre.
Article paru en anglais dans la publication Which Lawyer in Romania, Edition 2022