Dernière mise à jour: 21 janvier 2015
Avocate à Paris et à Bucarest, Dana Gruia-Dufaut conseille les entrepreneurs français qui souhaitent s’installer en Roumanie. Depuis son cabinet roumain, elle répond aux questions des élèves de 6e à Camille Claudel, à Paris.
Combien d’entreprises dirigées par des français s’implantent chaque année en Roumanie ? Ce chiffre est-il stable ou augmente-t-il ?
La France est le 4e investisseur en Roumanie, après les Pays Bas, l’Autriche et l’Allemagne. Fin 2014, on comptait plus de 7 900 sociétés à capital français en Roumanie à la fin de l’année 2014. Environ 300 nouvelles sociétés se sont implantées entre le début et la fin de l’année 2014. Ces chiffres montrent bien l’intérêt des Français pour ce pays.
Pourquoi ce choix de la Roumanie et dans quels secteurs en particulier ?
La Roumanie attire pour plusieurs raisons. C’est un pays latin qui est proche culturellement de la France. Les conditions pour faire des affaires sont attrayantes du point de vue de la fiscalité, du coût de la main d’oeuvre ou bien des fonds européens disponibles.
Il y a beaucoup de secteurs d’activité qui ont besoin d’investissements et du savoir-faire français : comme par exemple le secteur des infrastructures, de l’agriculture, des machines agricoles, les technologies, les services, le tourisme, l’agroalimentaire, etc.
Qu’est-ce qui pousse un agriculteur français par exemple à choisir la Roumanie plutôt qu’un autre pays de la communauté européenne ?
Avant la Seconde Guerre mondiale, la Roumanie était considérée comme "le grenier à blé de l’Europe". La Roumanie est reconnue pour la qualité de ses terres, notamment le "tchernoziom chocolat", une terre noire et très fertile. Outre la richesse de la terre et la superficie généreuse des terrains agricoles (environ 15 millions hectares de terre cultivable), les prix des terrains est moins élevé que dans d’autres pays d’Europe. A l’est de l’Europe, la Roumanie est le 2e grand pays agricole derrière la Pologne.
Viennent-ils plus pour faire de la culture ou de l’élevage ? Est-ce que ce sont de grosses fermes ?
Les investisseurs ont été premièrement attirés par la qualité des terres pour faire des cultures. Puis effectivement, ils sont venus pour les subventions et les fonds européens à leur disposition. Dernièrement, les politiques gouvernementales tentent de stimuler également les investissements dans l’élevage, par des subventions. Les fermes roumaines sont plutôt de petite et moyenne taille, mais de très grandes superficies existent aussi.
Emploient-ils des ouvriers agricoles roumains ? Arrivent-ils à s’entendre et à se comprendre ?
La main d’oeuvre est quasiment toute roumaine, bien formée et pas très chère. Le dialogue est aussi facile pour les investisseurs, car les roumains sont très doués pour les langues étrangères, surtout les jeunes qui sont anglophones et francophones à la fois.
Les roumains voient-ils d’un bon oeil les étrangers s’installer sur leurs terres ? Ou cela crée des conflits ?
l n’y a pas eu de conflits à proprement parler, mais on entend parfois des voix qui dénoncent le fait que les étrangers ont "acheté" le pays. Cependant, le besoin d’investissements est tellement grand dans ce domaine que l’arrivée de capitaux étrangers est bien accueillie. L’apparition d’une exploitation agricole dans une région représente aussi une chance de développement pour toute la zone.
Ces paysans français vendent-ils leurs produits sur le marché roumain ou à l’extérieur vers la France par exemple ?
Les exploitations ont intérêt à tirer profit de leur production. Il arrive que pour certaines cultures, le marché local soit moins intéressant en raison des bas prix. Dans ce cas, l’exportation est privilégiée, vers la France ou ailleurs. Mais dans l’ensemble les paysans français installés en Roumanie vendent sur le marché local.
Dans quels autres secteurs les entrepreneurs français cherchent-ils à s’installer en Roumanie ? Pourquoi ?
L’intérêt des français et des entreprises françaises pour la Roumanie est varié. Il y a des petites affaires familiales, mais aussi des sociétés qui implantent leur activité industrielle ou bien qui transfèrent leur activité administrative pour optimiser les coûts ou pour gagner un nouveau marché. Les domaines sont des plus divers : l’automobile, les machines agricoles, la logistique, les services, l’agriculture, l’ingénierie, l’agro-alimentaire, etc.
Pouvez-vous donner un exemple d’une belle réussite ?
Une très belle réussite en Roumanie est la présence du groupe Renault. Il y en a d’autres aussi, comme par exemple Orange, Carrefour, Auchan, Danone, Décathlon, Norauto, etc. J’aime également rappeler que le principal producteur de vin bio en Roumanie est un vigneron français.
Pour ceux qui ne restent pas ou pour qui cela ne marche pas et qui quittent la Roumanie, quelles sont les principales raisons de leur départ ou de leur faillite ?
Il arrive qu’une affaire ne soit pas profitable, parce qu’elle n’a pas été bien dimensionnée ou adaptée aux spécificités du marché roumain. Il arrive aussi que la décision d’investissement ne soit pas prise au moment opportun ou qu’elle dépende de facteurs externes au marché, impossibles à contrôler.
Interview publié sur Globe Reporters le 21 Janvier 2015