Roumanie : perspectives 2015. Le formidable espoir !

Dana GRUIA DUFAUT, Avocat aux Barreaux de Paris et de Bucarest

2^ème marché en Europe de l’Est et 7^ème Pays de l’UE, la Roumanie reste une destination stratégique à haut potentiel pour les investisseurs français ; Au-delà des grands groupes français déjà bien établis pour la plupart, le marché roumain reste un gisement à ne pas négliger par les autres entreprises de l’Hexagone, souligne Dana GRUIA DUFAUT, avocat aux Barreaux de Paris et Bucarest, qui depuis près de 24 ans accompagne les investisseurs français dans cette partie de l’Europe.

En ce début 2015, quel bilan peut-on faire pour 2014 et quelles perspectives pour 2015 ?

Avant de rappeler quelques chiffres économiques, inhérents à tout bilan, je voudrais surtout parler de ce qui s’est passé en Roumanie en novembre dernier au plan politique. Un évènement somme toute important, mais normal dans une démocratie, comme c’est le cas d’une élection présidentielle, a pris cette fois ci en Roumanie une ampleur toute particulière. 25 ans après la chute du régime de Ceausescu, la Roumanie ou plutôt devrai-je dire les roumains qui paraissaient s’être endormis, dont le Pays bien que membre de l’OTAN et membre de l’UE, était sur une pente descendante et un laisser-aller ou la corruption et les baronnies locales faisaient foi et loi …. cette Roumanie-là, ou ces roumains-là, se sont réveillés !

On peut analyser le phénomène comme on veut et retourner statistiquement parlant les chiffres dans tous les sens. De la même manière que Klaus IOHANNIS le nouveau Président élu (voir encadré) ne savait pas lui-même il y a 2 ans qu’il allait être candidat aux élections présidentielles, de la même manière personne n’a pu prévoir avant le second tour la force du désir de changement qui a animé les roumains en ces élections. 25 ans après …. il était temps !

Les réseaux sociaux, les jeunes et la diaspora se sont mobilisés comme jamais pour adhérer au projet du candidat IOHANNIS de construire une Roumanie différente, surtout une Roumanie sans corruption, sans baronnies, et pour dire au candidat socialiste l’actuel Premier Ministre Victor PONTA, adversaire au second tour de IOHANNIS leur rejet de la politique ainsi menée.

Au plan économique, le pays table en 2014 sur une croissance économique de 2,6 – 2,7% du PIB, l’un des meilleurs scores de l’UE. La Roumanie continue de bénéficier d’une fiscalité attrayante par rapport aux autres pays de l’Union (taux unique de 16% d’impôt sur les sociétés, 16% d’impôt sur les revenus…). L’année 2014 a donné aussi les signes du redressement de certains secteurs les plus touchés par la crise comme par exemple celui de l’immobilier, des constructions, etc. La fin de l’année 2014 a connu une avalanche de fusions et acquisitions qui sont autant de ressorts pour des développements futurs.

Ainsi le bilan 2014, au-delà des bons chiffres économiques, ne serait-ce que par l’évènement d’envergure qu’ont été les élections présidentielles, on peut dire qu’il a été positif.

Pour 2015, les économistes évoquent déjà une croissance autour de 3% et des perspectives favorables dans tous les domaines d’activité.

Mais le plus important sera également de voir les options que prendra le nouveau Président. Car en effet, après le formidable espoir suscité par son élection, il faut aussi comprendre que son parcours sera semé d’embuches … L’élection présidentielle n’est pas suivie d’élections parlementaires, qui sont pour l’instant fixées pour 2016. En l’état donc, son rival du Second tour des élections présidentielles, le Premier Ministre Victor PONTA reste en place. Il n’a pas donné sa démission suite à sa défaite et le Président ne peut l’obliger à le faire. En effet, le Premier Ministre PONTA sait que lui-même et son parti (le Parti Social-Démocrate) perdraient le pouvoir si lui-même renonçait au poste … Ainsi donc, le Président doit actuellement composer avec un Gouvernement majoritairement PSD, mais également avec un Parlement dans lequel pour l’instant le Premier Ministre a une majorité ….

Le charisme du Président IOHANNIS devrait toutefois faire la différence ! Car en effet, dès son élection, celui-ci a demandé au Parlement de mettre à l’ordre du jour et de rejeter, le projet de loi permettant l’amnistie des peines de prison pour faits de corruption et par la même permettant si elle avait été votée, à certains hommes politiques condamnés, d’être remis en liberté ou à d’autres d’échapper aux dossiers en cours d’instruction … Et alors même que constitutionnellement le Président n’a aucun pouvoir sur le Parlement, celui-ci a suivi la demande du Président …. Cela a permis dans la foulée aussi la levée de certaines immunités de parlementaires qui empêchaient les procureurs anti-corruption d’instruire certains dossiers ….

A peine ses fonctions prises, le nouveau Président a fait connaître ses priorités : le fonctionnement libre et indépendant de la justice, l’éducation en tant que clef de la performance future du pays, la compétitivité dans le cadre d’une économie libérale, l’infrastructure en tant qu’instrument de modernisation, le système de santé, etc.

Cela devrait donner de l’espoir à tous ceux qui ont peiné de voir que la Roumanie n’avait construit que quelques 300 km d’autoroute en 25 ans …. Il est vrai que ce n’est pas dès demain qu’on ressentira ces effets bénéfiques, mais il est certain que les mentalités devront changer et certains disent déjà que IOHANNIS pourra insuffler ce qu’il a fait dans sa ville de Sibiu, c’est-à-dire « travailler à l’allemande »

En effet, si en Roumanie le luxe, le bon goût, le savoir-vivre et la haute qualité sont associés à la France, la rigueur et la précision renvoient plutôt à l’esprit allemand. Il y a aussi une forte opinion selon laquelle si un projet réussit en Europe ou bien dans un pays de la région, c’est grâce à une initiative franco-allemande… Une communauté française d’affaires s’est durablement implantée en Roumanie depuis près de 25 ans et la victoire de Klaus IOHANNIS augure de meilleures conditions pour le déroulement des affaires.

Quels sont les atouts de la Roumanie par rapport aux autres pays de la région?

Dans le contexte de la crise ukrainienne ou de la récession de l’économie russe et des réponses dilettantes de la Russie face aux sanctions imposées par l’UE et les Etats Unis, la Roumanie est un exemple de stabilité politique et de croissance économique. Vu aussi la redistribution des cartes des projets énergétiques de la région, la Roumanie fait valoir encore une fois son potentiel et ses ressources. A savoir aussi que dans le cadre du plan d’investissements de la Commission Européenne, le pays a annoncé quelques 200 projets d’une valeur globale de 62 Mds€, parmi lesquels de grands projets d’infrastructure. J’ai évoqué aussi la fiscalité qui reste généralement attrayante, sans négliger non plus les facilités accordées par l’Etat dans certains domaines d’activité, comme par exemple l’IT ou bien le fait que le pays offre une main d’œuvre compétente, francophone et anglophone à la fois. Ce dernier aspect permet à de nombreuses entreprises de s’installer rapidement sur le marché, soit en transférant leur activité administrative, soit en y implantant carrément leur activité industrielle. Les domaines à grand potentiel sont surtout l’automobile, l’agriculture, l’infrastructure, le secteur énergétique, ou bien le tourisme.

Quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur français qui s’intéresserait à la Roumanie? A quoi faire attention?

Après la crise, l’économie roumaine, tout comme l’économie européenne, entre dans une nouvelle ère. L’enjeu c’est l’innovation et la compétitivité. Un entrepreneur doit commencer avant tout par une veille concurrentielle, une étude de marché, un accompagnement commercial, sans oublier le conseil juridique qui dans ce pays peut-être plus qu’ailleurs, est une donnée essentielle de la réussite d’une implantation, d’une acquisition, d’une association ou d’un marché. En effet il est essentiel de bien connaître la façon d’agir des roumains, notamment leur inventivité, leur sens de la débrouillardise qui doivent souvent être analysés et contrôlés afin d’éviter des écueils qui peuvent être lourds de conséquences. Le pays est prometteur et dans l’enthousiasme généré par les perspectives d’un nouveau développement ou d’un nouveau marché, nous voyons parfois se glisser des erreurs qui auraient pu être évitées. Car, bien que dans un pays latin, tout n’est pas comme chez soi. Prévenir plus que guérir est sans conteste un « must » en Roumanie

Puisse 2015 donner la force et l’énergie du changement aux roumains dans cette nouvelle ère qui a débuté en novembre dernier avec l’élection de Klaus IOHANNIS. Et de la même manière que 2015 rime pour nos entreprises françaises avec énergie et réalisations en Roumanie mais aussi partout ailleurs dans le monde !

Interview publié par Echanges Internationaux no 102/2015