Dernière mise à jour: 6 décembre 2017
Le détachement des travailleurs dans le cadre de la prestation de services dans l’Union Européenne représente depuis quelques années, une préoccupation prioritaire pour tous les chefs d’États de l’Union Européenne. Le sujet a opposé l’Ouest (qui veut limiter et mieux contrôler ce mouvement) et l’Est (dont les travailleurs souhaitent continuer à bénéficier de ce mécanisme dans les conditions actuelles). Comme suite aux débats, le Conseil de l’Union Européenne vient d’adopter une proposition de modification de la législation européenne en la matière, tout en essayant de concilier les deux positions.
Cadre juridique actuel
Le cadre juridique actuel du détachement des travailleurs dans le cadre de la prestation de services est régi notamment par la Directive européenne n° 96/71/CE. Dans le sens de la Directive on comprend par « travailleur détaché » un travailleur qui, pendant une période limitée, réalise son travail sur le territoire d’un État Membre autre que l’État où il travaille régulièrement.
Il est essentiel de préciser que les salariés détachés bénéficient des conditions de travail applicables en vigueur dans l’État d’accueil concernant plusieurs éléments (le salaire minimal, y compris la rémunération des heures supplémentaires, les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos, la durée minimale des congés payés annuels, etc.).
Pour ce qui est de la sécurité sociale, l’employeur qui détache des salariés a la possibilité de continuer de payer les contributions sociales afférentes aux salaires des salariés détachés dans l’État d’origine, pendant la période du détachement. Dans ce cas, l’employeur doit obtenir le document portable A1, normalement avant le départ des travailleurs dans l’État d’accueil ; le document portable A1 est normalement délivré pour une période maximale de 24 mois. Si l’employeur ne souhaite pas obtenir / n’obtient pas le document portable A1 pour ses salariés détachés, ceux-ci devront être affiliés et soumis, pendant la période du détachement, au système d’assurances sociales obligatoires de l’État d’accueil.
La réforme envisagée
Depuis quelques années , plusieurs États de l’Ouest de l’Europe, dont la voix la plus forte est celle de la France, ont commencé à promouvoir des mesures plus restrictives pour le détachement des travailleurs, tout en s’appuyant sur le besoin de non-discrimination et de renforcement de la protection sociale des travailleurs. En fait, leur mécontentement provenait notamment du fait que les travailleurs détachés provenant de l’Est étaient favorisés sur le marché des pays de l’Ouest car ils se contentaient du salaire minimum (par opposition aux travailleurs nationaux).
C’est dans ce cadre que ces États ont souhaité la révision de la Directive n° 96/71/CE. Comme suite à ces propositions, le Conseil de l’Union Européenne a adopté, le 24 octobre 2017, une proposition de révision de la Directive n° 96/71/CE.
Les principales modifications proposées par ce projet sont les suivantes:
• L’alignement des rémunérations des travailleurs détachés sur celles des employés nationaux : à travail égal, rémunération égale ;
• La durée du détachement sera limitée à 12 mois, avec possibilité de renouvellement pour encore 6 mois dans des cas exceptionnels – cette mesure vise à limiter les fraudes, à savoir les cas où, en fait, le détaché ne travaille pas de manière ponctuelle dans l’État d’envoi, mais de manière habituelle.
Dans le cadre du projet, il y a toutefois des concessions importantes faites au profit des pays de l’Est, à savoir :
• Les détachés pourront rester soumis aux charges sociales de leur pays d’origine, à condition d’obtenir le fameux document portable A1 – alors qu’il y a eu des initiatives dans le sens de soumettre la rémunération des travailleurs détachés aux charges sociales de l’État d’envoi, pendant le détachement ;
• La réforme ne s’appliquera pas aux transporteurs routiers – alors que la France souhaitais que la réforme s’applique également aux transporteurs routiers.
À noter également que le projet de modification de la Directive prévoit une période transitoire de 4 ans à partir de l’entrée en vigueur des modifications. Pour l’instant, il faut attendre voir si cette proposition de réforme donnera lieu à une modification législative effective et comment elle sera mise en pratique.
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À notre avis, il est clair que l’enjeu le plus important pour les promoteurs de cette réforme est l’alignement des rémunérations, qui mettra fin à la préférence par les employeurs des travailleurs détachés au lieu des nationaux. Cependant, en pratique nous avons constaté que les entreprises qui utilisent le détachement transnational ne sont pas forcément intéressées par le niveau de la rémunération, mais par le fait que les détachés de l’Est sont plus disponibles pour acquérir des compétences connexes à leur métier de base et plus disponibles pour travailler des heures supplémentaires.