Gruia Dufaut

[BUCAREST HEBDO] DANA GRUIA DUFAUT: «PARLER LA MÊME LANGUE, ÇA SERT À CONSOLIDER LES LIENS ÉCONOMIQUES»

[BUCAREST HEBDO] DANA GRUIA DUFAUT: «PARLER LA MÊME LANGUE, ÇA SERT À CONSOLIDER LES LIENS ÉCONOMIQUES»

Dernière mise à jour: 21 mars 2016

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Dana Gruia Dufaut: «Parler la même langue, ça sert à consolider les liens économiques»


Dana GRUIA DUFAUT est avocat fondateur de l'un des premiers cabinets francophones spécialisé en droit des affaires en Roumanie et une militante active pour la francophonie dans les affaires. Au cours de ses 25 ans de présence professionnelle en Roumanie elle a été l'auteur de plusieurs Guides destinés aux investisseurs, mais elle s'est également investie dans la valorisation des opportunités d'affaires qui existent en Roumanie et la mise en relation des entreprises françaises avec les partenaires locaux.

En évoquant la fête de la francophonie célébrée le 20 mars, quelles sont les trois premiers mots que vous viennent à l'esprit?


Je dirais « partage », « diversité » et « unité ». Il s'agit bien-sûr du partage d'une langue, c'est à dire le français, pour promouvoir les valeurs de la coopération entre les 80 Etats membres de la Francophonie sur les 5 continents. Je pense aussi à la diversité culturelle enrichissante, qui est mise en valeur et transmise à travers une langue largement utilisée au niveau mondial. Le français apparait donc comme un facteur d'unité et un véhicule encourageant la circulation des œuvres et des échanges sur tous les plans: éducation, culture, politique, économie, etc. « Ma patrie, c'est la langue française », disait Albert Camus lors de la réception du prix Nobel pour la littérature. Je pense que nous pouvons comprendre aussi cette déclaration dans une clé francophone: la patrie francophone, qui n'a aucun rapport avec la géographie et qui regroupe tous les pays et les territoires où l'on peut vivre en français sans autres œuvres d'interprétation. La langue est le liant. Voyez aussi la justification du thème choisi cette année pour célébrer le Jour de la Francophonie: Le pouvoir des mots.


La francophonie a acquis au long des années une dimension économique. Peut-on vraiment parler de la francophonie dans les affaires?


Selon l'OIF, le français est la deuxième langue des affaires en Europe et la troisième dans le monde. Pour citer aussi les responsables de l'organisation, l'espace francophone est déjà un espace des relations économiques et commerciales. La francophonie est, certainement, un atout, car on est communément d'accord que parler la même langue ça sert à consolider les liens économiques et les échanges entre les acteurs économiques.

Le fait que la Roumanie soit un pays francophone a permis aux entreprises françaises de pénétrer et de s'y installer plus facilement. Les choses ne sont pas si simples que ça, bien-sûr, car dans les affaires, on parle premièrement en termes d'opportunités, de marché, de ressources... N'oublions non plus que la logique des affaires est le profit... Mais la langue peut-être un atout.

La francophonie offre en Roumanie un cadre favorable pour le développement des relations avec les pays et territoires membres de l'OIF et, plus particulièrement, avec la France. Le fait qu'un investisseur de France peut travailler dès son premier jour en français à 2.500 kilomètres distance de son pays, cela lui confère une certaine stabilité, qui est peu visible en temps normal, mais qui apparait comme pas du tout négligeable dans un contexte de crise. Cela reste toujours valable, même si on est tous d'accord qu'on a à faire à un recul du français devant l'anglais.

J'accompagne depuis 25 ans les investisseurs français en Roumanie, en les aidant dans leurs démarches pour s'installer sur ce marché et à chaque fois j'essaie leur montrer les avantages de la francophonie roumaine. Car, à part le français, qui est, certainement, un vecteur de communication, ce qui compte énormément est aussi le fait que les roumains partagent les mêmes valeurs que les français. L'empreinte de l'influence française reste très forte dans beaucoup de domaines, en facilitant l'adoption de la culture organisationnelle de l'entreprise française et de ses standards.


Que faire pour préserver le statut de pays francophone du pays ?


La Roumanie est membre de la Francophonie depuis 25 ans, si on prend en considération son statut d'observateur acquis en 1991 et, ensuite, celui de membre à pleins droits, à compter de 1993. Mais l'influence de la langue et de la culture française en Roumanie est de longue date, ayant un profond caractère créateur et réformateur depuis des siècles, dans tous les domaines de la vie. De ce point de vue, la Roumanie ne pourra jamais perdre son statut de pays francophone et francophile, car cela signifierait renoncer à une partie de sa culture. Je pense que les efforts pour préserver l'enseignement de la langue française dans le pays ne manquent pas et dernièrement on observe une dynamique significative dans ce sens. Cela correspond aussi à une revigoration du partenariat franco-roumain. Le français reste la deuxième langue étrangère étudiée dans le pays. Des filières francophones existent au niveau des universités et il y a aussi des partenariats qui regroupent des institutions d'enseignement supérieur de Roumanie et de la France, de l'espace francophone. Je voudrais aussi évoquer le rôle important que joue Le lycée français de Bucarest dans l'enseignement du français pour les roumains qui désirent que leurs enfants suivent une formation complète à la française. En ma qualité de Conseiller Consulaire de la France pour la Roumanie et la République de Moldavie, je vois beaucoup d'initiatives qui sont prises, soit par la communauté française de Roumanie, soit par les entreprises pour encourager l'enseignement du français.


L'intérêt des investisseurs français est-il toujours aussi grand par rapport à la Roumanie?


L'intérêt reste important, même si les grandes entreprises françaises sont déjà bien implantées dans l'ensemble des secteurs de l'économie roumaine. Récemment, on assiste au développement d'un certain nombre de PME françaises, notamment dans quelques secteurs porteurs pour la Roumanie: l'automobile, le numérique, l'agriculture. Cependant, le rythme est encore loin de son potentiel, surtout à cause du contexte économique mondial.


Dans le pays on évoque souvent l'instabilité du cadre législatif pour expliquer l'incapacité d'attirer des investissements... Quoi d'autre encore ?


Il s'agit là d'un facteur déterminant, car un des objectifs généraux des entreprises pour lancer un projet d'investissement est de bénéficier de la protection légale de leurs investissements et d'une certaine prédictibilité. Les dernières années ont produit des mutations profondes dans les entreprises, de sorte que les pas sont minutieusement calculés en termes de coûts, bénéfices, attractivité fiscale, garanties et stabilité politique et législative. A part cette exigence de prédictibilité, les investisseurs demandent qu'il y ait de la transparence et une infrastructure administrative moins affectée par la bureaucratie et la corruption.

Voilà donc des difficultés majeures que la Roumanie doit dépasser, auxquelles s'ajoute une certaine pénurie de main d'œuvre qualifiée, qui commence à se manifester dans certains domaines d'activité ou bien la faible productivité du travail.

J'insiste cependant sur le fait que la Roumanie peut être une « destination réussite » pour les investisseurs. Il s'agit là d'un pays qui a un cadre juridique qui se rapproche de plus en plus du cadre européen, qui garde une fiscalité encore très avantageuse (l'impôt sur les sociétés de 16%, l'impôt sur le revenu au taux unique de 16%) et, avec de bons conseils comptables, fiscaux et juridiques, les investisseurs ont de quoi faire en Roumanie. Il s'agit là d'un marché aussi attractif dont les entreprises européennes ne pourront s'en passer et aussi des ressources qui existent et dont la dynamique mondiale a besoin.


Que proposez-vous aux entreprises étrangères qui vous sollicitent ?


Une pratique solide dans le domaine juridique et du développement des affaires et surtout une longue expérience sur le terrain. Il faut savoir que pour une société française qui veut s'installer en Roumanie penser que - compte tenu de l'intégration européenne du pays - les choses fonctionnent comme en France, par exemple en matière juridique, au moins, peut couter cher. Ce sont ce que j'appelle les faux amis! Or, nous avons l'expérience et la compétence pour pouvoir sécuriser les affaires des entreprises et, en même temps, les tenir averties par rapport aux malentendus. Bien-sûr, tous nos échanges sont faits en français....


Interview publié par Bucarest Hebdo, le 21.03.2016


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