Dernière mise à jour: 11 mars 2021
La législation qui régit l’achat et la vente de terres agricoles extra muros a subi des modifications significatives ces derniers temps, comme suite à l’approbation de la Loi n° 175/2020, en vigueur depuis le 13 octobre 2020, modifiée et complétée par l’OUG n° 203 de 23 novembre 2020.
En effet, la loi n° 175/2020 qui a modifié et complété la Loi n°17/2014 sur la vente des terres agricoles extra muros introduit certaines restrictions liées aux droits de préemption en cas de transfert du droit de propriété ou à l’activité agricole et au régime des terres agricoles.
Ci-après donc, un récapitulatif des principales modifications apportées par la Loi n°. 175/2020, modifiée par l’OUG no 203/2020, dont la mise en application n'est pas sans problème, ainsi que les principales dispositions de la Loi n° 246/2020 relatives au transfert de propriété des terres agricoles.
A. DROIT DE PREEMPTION ET CONDITIONS D’UTILISATION DE LA TERRE AGRICOLE
1) Qui sont les bénéficiaires du droit de préemption ?
La nouvelle loi élargit la liste des bénéficiaires du droit de préemption (personnes physiques ou morales), tout en modifiant l’ordre de priorité selon leur rang.
Ainsi, désormais la vente des terres agricoles extra muros doit respecter le droit de préemption des bénéficiaires, selon l’ordre suivant:
Rang I: les copropriétaires, les parents au 1er degré, les époux, les parents et les affins jusqu’au 3ème degré y compris du propriétaire des terrains mis en vente
Rang II: les propriétaires d’investissements agricoles pour les cultures d’arbres, de vigne, du houblon, irrigations exclusivement privées et /ou les métayers
Rang III: les propriétaires et/ou les métayers de terres agricoles voisines du terrain qui va être mis en vente
Rang IV: les jeunes fermiers (personnes âgées de moins de 40 ans et qualifiées dans le domaine de l’agriculture)
Rang V: les institutions ayant une activité dans le domaine de la recherche agricole, situées à proximité des terres exploitées
Rang VI: les personnes physiques ayant leur domicile ou résidence dans les unités administratives territoriales où se situe le terrain visé par la vente ou bien dans les unités administratives territoriales voisines
Rang VII: l’Etat, à travers l’Agence des Domaines de l’État (« AGENTIA DOMENIILOR STATULUI »)
La loi établit également des critères de priorité à l’acquisition au cas où le droit de préemption est exercé par plusieurs propriétaires de terres agricoles voisines.
Si aucun titulaire du droit de préemption ne manifeste son intérêt pour acheter le terrain agricole concerné, la loi prévoit donc le droit de préférence pour les acheteurs spécialisés, à savoir des tiers qui remplissent cumulativement certaines conditions, telles que:
- (i) avoir eu le domicile en Roumanie pour une période d’au moins 5 années avant la date d’enregistrement de l’offre de vente,
- (ii) pour les personnes morales justifier d’avoir eu son siège social en Roumanie pour au moins 5 années avant la date de l’enregistrement de l’offre de vente (tant la société que l’associé qui détient le contrôle de la société ;
- (iii) avoir développé des activités agricoles en Roumanie au cours des 5 dernières années avant l’enregistrement de l’offre de vente et
- (iv) (pour les personnes morales) faire la preuve que minimum 75% du Chiffre d’Affaires au cours des 5 dernières années fiscales proviennent d’activités agricoles.
Enfin, si aucun titulaire du droit de préemption susmentionné n’exerce son droit de préemption dans un délai légal de 45 jours ouvrés ou si aucun acheteur spécialisé ne l’exerce dans un délai légal de 30 jours après l’expiration des 45 jours ci-dessus mentionné, la vente pourra être librement faite au profit de toute autre personne physique ou morale.
En ce qui concerne les modalités d’exercice du droit de préemption, voir ci-après le point B.
Autant dire que ce nouveau texte est de nature à bloquer le transfert de propriété des terres agricoles, tellement les conditions posées sont contraignantes.
2) Obligation de maintenir la destination agricole des terrains
L’un des problèmes sensibles de l’ensemble de la Loi n° 175/2020 concerne le fait que, une fois achetées, les terres agricoles extra muros doivent être utilisées exclusivement pour la réalisation d'activités agricoles à compter de la date de leur achat.
En plus, si à la date de l’achat, des investissements agricoles pour les cultures d’arbres, de vigne, de houblon ou des systèmes d’irrigations se trouvent sur les terres agricoles extra muros, la destination agricole de ces investissements doit être préservée.
Au vu de cette nouvelle disposition légale, la question peut se poser de savoir dans quelle mesure les propriétaires pourront s’ils le souhaitent retirer du circuit agricole les terrains situés extra-muros, et comment ces dispositions seront corrélées avec celles en vigueur concernant le retrait des terres du circuit agricole.
Pour mémoire, les principales dispositions légales régissant les conditions et les documents nécessaires au retrait des terres du circuit agricole sont prévues dans la Loi 18/1991 sur le fond foncier et l’Ordre n° 83/20018 du Ministère de l’Agriculture et Développement Rural.
3) Conditions fiscales relatives à la vente successive des terres agricoles extra muros
Selon les nouvelles dispositions légales, la vente des terres agricoles extra muros avant un délai de 8 ans depuis la date de leur achat entraîne l’obligation de payer un impôt supplémentaire de 80% sur la plus-value, fixé à partir de la grille des notaires valable à la date de la nouvelle vente.
Une règle similaire est applicable en cas de vente du capital permettant le contrôle des sociétés commerciales dont ces terrains représentent plus de 25% des actifs.
Ainsi, en cas d'aliénation directe ou indirecte, avant 8 ans, le vendeur aura l'obligation de payer là encore un impôt de 80% sur la plus-value réalisée, calculé sur la base de la grille des notaires entre le moment de l'achat et le moment de la vente dudit paquet de contrôle. Il convient de noter que l'obligation de payer cet impôt supplémentaire de 80% n'est pas applicable dans le cas où un terrain acquis d'une autre manière que par l’opération de vente-achat (par exemple via un héritage, par l’apport en nature au capital social, par échange etc.) est vendu avant la période de 8 ans depuis la date d’achat.
B. EXERCICE DU DROIT DE PREEMPTION: INTENSIFICATION DE LA BUREAUCRATIE
En vertu des nouvelles dispositions légales, toute transaction concernant les terres agricoles extra-muros doit suivre une procédure administrative.
Le vendeur est tenu d’enregistrer à la Mairie de la localité une demande d’affichage de l’offre de vente de la terre agricole, afin de la faire connaître aux titulaires du droit de préemption dans les délais qui ont été désormais élargis par rapport à l’ancienne législation (voir ci-dessus point A.1).
- Un délai de 45 jours ouvrés pour l’affichage de l’offre au siège de la Mairie ou, le cas échéant, sur le site Internet de celle-ci, (le délai antérieur était de 30 jours ouvrés) et
- Un délai supplémentaire de 30 jours à partir de l’expiration du délai de 45 jours ouvrés ci-dessus mentionné pour l’exercice du droit de préemption par les bénéficiaires de ce droit.
C. DES SANCTIONS RENFORCEES
La signature d’un contrat de vente de terres agricoles extra muros avec un tiers, sans respecter le droit de préemption ou sans avoir obtenu les avis légaux préalables, attire, à partir du 13 octobre 2020, la nullité absolue (et non plus relative) du contrat. En même temps, le non-respect des conditions légales est sanctionné par une amende contraventionnelle de 100.000 lei à 200.000 lei.
D. CERTIFICAT DE QUALITE DU SOL
La loi 246/2020 sur l’utilisation, la conservation et la protection du sol, en vigueur depuis le 1er janvier 2021, apporte aussi comme nouveauté l’obligation de l’obtention du certificat de qualité du sol, qui a des conséquences sur la vente de terres agricoles.
Cette loi définit le « Certificat de qualité du sol » comme étant le document qui atteste la qualité du sol, délivré à la fin de tout type de travaux ayant endommagé le sol ou bien lors de l’aliénation des terres qui ont été endommagés à force d’exercer d’activités économiques ayant un impact sur le sol.
L’obtention du certificat de qualité du sol est obligatoire lors du changement de propriétaire/détenteur des terrains sur lesquels des activités agricoles, sylvicoles ou zootechniques ont été effectués.
Le certificat est délivré par l’Institut de Recherche pour la Pédologie, l’Agrochimie et la Protection de l’Environnement (ICPA) sur la base d’un rapport concernant la qualité du sol dressé par l’OSPA ou par des personnes qualifiées dans ce but.
Les Normes de procédure en vue de l’obtention du certificat doivent être approuvées par un Ordre commun des autorités publiques compétentes dans les 12 mois de l’entrée en vigueur de la loi. Malheureusement, à ce jour, ces Normes n’ont pas été encore adoptées et il n’y a non plus de normes transitoires, ce qui bloque les transactions, étant donné l’impossibilité d’obtenir ce certificat obligatoire pour la vente des terrains agricoles.
E. IMPACT DE CES DISPOSITIONS SUR LES INVESTISSEMENTS
Selon les autorités, l’interdiction de changer la destination agricole d’un terrain extra muros, mais également l’élargissement des catégories de bénéficiaires du droit de préemption sont des mesures censées préserver la destination agricole des terres et favoriser le remembrement des terres agricoles. Mais à ce stade ces mesures bloquent plutôt les ventes….
De même, la fiscalité pénalisante en cas de vente des terres agricoles extra muros avant 8 ans de la date d’achat, va favoriser aussi une augmentation prévisible du prix des terres agricoles et limiter aussi la pratique visant à modifier la destination de certaines terres agricoles au profit d’autres investissements (tels que des parcs éoliens ou photovoltaïques, des parcs logistiques, etc.)°
A noter en même temps qu’au niveau européen, on voit le début d’une jurisprudence qui considère que des conditions similaires à celles que nous avons présentées ci-dessus, pour la vente des terres agricoles peuvent venir en contradiction avec le principe de la libre circulation des services transfrontaliers et même être considérées discriminatoires.